Les Chevauche-Brumes – Thibaud Latil-Nicolas

Mnémos

Au nord du Bleu–Royaume, la frontière est marquée par une brume noire et impénétrable, haute comme une montagne. De mémoire d’homme, il en a toujours été ainsi. Mais depuis quelques lunes, le brouillard semble se déchirer. Tandis que ce voile enfle et reflue tel un ressac malsain, de violents éclairs strient ses flancs dans de gigantesques spasmes. La nuée enfante alors des créatures immondes qui ravagent les campagnes et menacent d’engloutir le royaume tout entier.
La neuvième compagnie des légions du roy, une troupe de lansquenets aguerris au caractère bien trempé, aspire à un repos bien mérité après une campagne éprouvante. Pourtant, dernier recours d’un pouvoir aux abois, ordre lui est donné de s’opposer à ce fléau. Épaulée par des cavalières émérites et un mystérieux mage chargé d’étudier le phénomène, la troupe s’enfonce dans les terres du nord, vers cette étrange brume revenue à la vie.

L’univers

Thibaud Latil-Nicolas nous propose une fantasy, dans une veine plutôt dark-fantasy avec quelques éléments classiques qui ne perdrons pas le lecteur dans cette aventure remplie de personnages hauts en couleur.

Le Bleu-Royaume s’inspire à la fois du Moyen-âge et de la Renaissance européenne, même si le terme de légion et la présence d’amazones pourraient évoquer des armées antiques. Néanmoins, l’armement décrit s’inspire bien d’une période plus récente avec des armes à feu (pistolets), de l’artillerie rudimentaire mais dévastatrice (arquebuse) tout autant que les armes blanches, éternelles compagnes de la fantasy : épée, arcs et haches.

L’auteur ne s’appuie pas sur la seule structure des forces militaires pour construire son univers, malgré l’importance dans l’histoire qui nous occupe. Nous avons un aperçu du gouvernement avec à la tête de l’état un roi s’appuyant sur un conseil. Peu d’éléments ressortent vraiment des quelques passages offerts, mais ils sont suffisant pour conférer au roman cette légère touche et appuyer cet environnement proche de la Renaissance. Ici, il s’agit plus exactement d’un enfant roi, épaulé par un régent efficace et dévoué. Ceci n’est pas sans rappeler des pans de notre propre Histoire, et le fait que l’enfant survive à cette période de régence souligne une société … un peu plus patiente.

Le Bleu-Royaume s’avère assez disparate, loin d’être uniforme, des alliés, mais également des ennemis brodent ses frontières, ainsi qu’une brume énigmatique, particulièrement « nocive » pour le bien-être et la pérennité de cette lande. S’échappent de loin en loin des créatures étranges et mortelles, comme vomies par ce brouillard malsain.

Cette configuration n’est pas sans rappeler Fils des Brumes de Sanderson.

La Neuvième revient d’une campagne à l’orée du pays, quand le jeune roi lui confie la mission de délivrer Creuvet, un village sis près des fameuses brumes, les créatures exerçant une pression inquiétante.

C’est lors de cette mission que nous faisons la connaissance d’une autre faction guerrière qui aura son importance, tant dans son impact dans l’histoire que dans la construction de l’univers : les Doryactes. Celles-ci empruntent de nombreux traits aux antiques et mythiques amazones. Ce sont des combattantes hors-pairs, redoutables, rapides, précises et loyales. Contrairement aux troupes du roi, elles ne sont équipées que de chevaux, d’armes blanches et d’arcs avec lequel elles ont acquis une maîtrise qui confine à l’art divin.

Pour parfaire cette description succincte, il nous faut évoquer une magie peu usitée, qui encore une fois me fait penser à Sanderson (et il s’agit ici d’un compliment). L’énergie est tiré des éléments, de sources obscures pour les lecteurs; les mages ayant une affinité avec un aspect plus ou moins étroit, un exemple parlant. Certains mages pourrons en puisant dans l’énergie autour d’eux agir sur les matériaux quitte à balancer des tonnes de rochers dans un gouffre, tandis que d’autres devront se « contenter » d’accélérer la germination puis la pousse de graines et de plans.

Pour un premier roman, Thibaud Latil-Nicolas propose un univers travaillé, agréable et convaincant.

L’intrigue

L’intrigue en soi est assez simple et est rapide à résumer. La neuvième, sous les ordres de Saléon est envoyé à Crevet pour se défaire de l’emprise des créatures nées de la Brume. En chemin, il y aura des embuscades et une fois sur place, s’engage un bras de fer dont l’issue décidera du sort du Royaume-Bleu.

Or posé ainsi, je ne fais guère justice à la qualité du récit. En effet, l’association d’un armement hétéroclite et de troupes contrastées (force et finesse) permet des affrontements variés, dynamiques ainsi que prenants. Les combats ne se déroulent pas sur le seul champ de bataille; en effet, l’opposition de style et de philosophie s’invite dans l’enceinte de Crevet, où Doryactes et soldats rivalisent, tensions et frictions ne facilitent pas le déroulement de la mission, et participent au suspens inhérents à ce siège.

De plus, les augures mauvaises ne nous permettent pas d’envisager une fin héroïque et heureuse, à moins d’un grossier deus ex-machina…

Confrontés à un siégé désespérant, une lueur d’espoir réside au coeur de la Brume, nos protagonistes montent donc une expédition dans le but de desserrer l’étau fatidique… Un retournement de situation bienvenu attend le lecteur.

Un mot sur les personnages

Nous découvrons une brochette de personnages hauts en couleur, depuis Saléon capitaine sans titre de la IX°, jusqu’à la mage de Crevet. Une gouaille jouissive anime nombre de ces hommes et femmes, certains seront assez exaspérants attirant notre mépris, d’autres forceront notre admiration et même attachement, et enfin, quelques uns nous séduiront irrémédiablement. Chacun d’entre eux sont écrits avec soin, même si nous n’échappons pas à certains archétypes, voire un brin de conformisme, mais cela importe peu au final, car la partition d’ensemble est largement convaincante.

Les liens qui unissent les membres de la troupes et des amazones sont palpables, les dialogues et échanges fonctionnent bien, laissant un naturel couler entre eux. L’esprit de camaraderie est tangible, puissant, rendant les sacrifices encore plus lourd à porter.

Car ne vous y trompez pas, l’ambiance peut parfois être lourde, un brin vicieuse quand la Brume s’en mêle. Nous sommes dans de la Dark Fantasy qui emprunte à ce niveau là, un David Gemmell.

L’écriture est élégante, soignée, riche et fort agréable. Le tout est travaillé pour donner le rythme idoine aux différents passages, comme quoi, il est tout à fait possible d’écrire de manière élaborée et plaisante en Fantasy. Un grand merci pour cela!

Le roman est-il exempt de défauts ?

Non. La magie mériterait d’être plus explicitée, les limites des mages étant particulièrement floues, et sans cadre, il serait aisé de verser dans le deux ex-machina. Nous pourrions aussi, attendre un poil plus de développement politique car, l’ébauche est intéressante mais laisse sur notre faim.

Ce livre est pour vous si :
  • Vous adorez les romans d’aventure
  • Vous aimez les récits visuels
  • Si vous adorez les écritures soignée
je vous le déconseille si :
  • mais il n’y a pas d’élu ou élue ?
  • vous n’aimez pas les tripes et le sang

Autre critique :

Le Bibliocosme

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Les Chevauche-Brumes de Thibaud Latil-Nicolas

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