Mménos – Intégrale Lovecraft

L’Affaire Charles Dexter Ward est une des plus longues nouvelles de Lovecraft, qui affectionnait le format court, sachant que dans ces années les œuvres de science-fiction, fantasy ou encore fantastique trouvaient preneur dans les revues spécialisées plutôt qu’auprès des éditeurs de romans (Weird Tales, Analog Science-fiction, Tales of Wonder, Amazing Stories, Astounding Science-fiction,…). Bien qu’il fut écrite en 1927, ce texte ne fut pas publié du vivant de l’auteur (disparu prématurément en 1937).

Les éditions Mménos nous propose cette histoire marquante dans le cadre de son Intégrale Lovecraft, que je vous conseille vivement car les livres sont magnifiques, le travail de traduction va au-delà d’une seule traduction, la qualité est remarquable et enfin, l’objet en lui-même apporte un plaisir tactile avéré.

Le Récit

Providence, en 1928, le Docteur Willet rend visite à Charles Dexter Ward, 26 ans, interné dans une maison de santé depuis peu. En effet, le médecin de famille suit le jeune homme depuis sa tendre enfance et fut le témoin privilégié de son évolution, de passionné à … fêlé, du moins c’est ce que les apparences et les jugements prompts laisseraient penser.

Néanmoins, ces conclusions s’avérèrent fort différentes s’agissant du bon docteur qui observait plus attentivement Charles depuis l’hiver 1919. Ce qu’il constata ne fut en aucun une personne glissant dans la folie, mais un jeune homme passionné d’archéologie, d’histoire et de généalogie qui s’impliquait dans ces activités sans doute au-delà du raisonnable. Effectivement, la découverte de documents liés à un de ses ancêtres, Joseph Curwen, le pousse à s’investir dans une quête personnelle chronophage et obsessionnelle. L’aïeul de Charles (par sa mère) est un personnage énigmatique, sulfureux et mis au ban de la société au XVII° en raison de soupçons de sorcellerie ou d’accointances loin d’être recommandables.

Cette enquête le mène au-delà des frontières des États-Unis, en Europe, dans des contrées reculées et à la rencontre de personnages obscurs. L’influence grandissante des textes de Curwen, ainsi que des hommes croisés inquiète les parents du jeune homme, surtout que celui-ci s’isole régulièrement physiquement et se renferme sur lui-même. Peu à peu, même sa présence à la demeure familiale provoque quelques remous, initialement avec le personnel, puis avec la mère de Charles pour finalement immiscer dans les relations père-fils. La communication qui au préalable était pleine d’ardeur, devient gênée pour s’effacer les mois passant. Charles prend des dispositions : un appartement qu’il loue pour lui seul à la suite d’un événement qui laissa sa mère dans tous ces états, mais également de bruits de fracas, une voix inhabituelle, des allées et venues nocturnes,… Cette panoplie de comportements démontre une modification de la psyché du jeune Charles, or, seul le docteur Willet ne le pense pas en train de sombrer, tout en reconnaissant son obsession et une implication dans ses recherches quelques peu exagérée… jusqu’à ce qu’il perçoive de la frayeur chez son jeune patient…

Une évolution tout en nuance, toute indicible…

Le récit évolue à travers le témoignage du Docteur Willet qui après un passage au sanatorium en 1926, dévoile les circonstances de l’enfermement de son patient Charles Dexter Ward. Nous bénéficions à la fois de ses observations de première main ainsi que que celles de l’entourage familial et local du jeune homme. Le comportement, puis la frayeur de Charles poussent le médecin à mener une enquête parallèle sur les recherches qui l’occupait. Au fur et à mesure de la levée du le voile sur le mystère entourant Charles et son obsession, la tension du récit s’accentue. Ainsi, une sensation d’inexorable nous saisit-elle, tandis que nous assistons à cette lente descente aux enfers, le passé s’invitant dans cette danse lugubre.

Alors que nous découvrons la personnalité de Joseph Curwen, et quelques particularités physiques, nous devinons l’emprise qu’il parvient à poser sur Charles depuis sa tombe!!! Car, une des réussites magistrales du récit tient dans ces faits, l’antagoniste est bien décédé mais réussit à manipuler Charles à travers la mort, les années et la raison. L’ensemble est si habilement distillé que tout nous paraît cohérent et vraisemblable même la chute quelque peu attendue.

L’ambiance est caractéristique de Lovecraft : feutrée, sournoise et qui s’achève dans une angoisse bien présente.

Enfin, il convient de souligner la traduction de David Camus qui nous transporte à travers ces années aux côtés du Docteur Willet. Il apporte également des précisions bienvenues qui nous permettent d’apprécier davantage encore les nuances et les références qui parsèment une œuvre maîtresse de Lovecraft.

Quelle magnifique édition, avec une maquette soignée, élégante.

Un récit majeur, une ambiance sournoise qui nous gagne et qui parvient à nous glacer. Magistral!

Ce livre est pour vous si :

• Vous adorez Lovecraft
• Vous aimez les récits qui s’installent avec douceur
• Les ambiances bien prenantes, c’est vraiment top!

je vous le déconseille si :

• Votre santé mentale atteint un seuil inquiétant
• Votre santé mentale est fragile
• Votre aëiul est Curwen

Autre critique :

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L’affaire Charles Dexter Ward de Lovecraft