Il est regrettable que les romans appartenant à une franchise soient quelque fois boudés par une partie du public amateur de Science-fiction, Fantasy ou encore Science-Fantasy. En effet, la mention de cette appartenance provoque régulièrement dédain ou indifférence, ce que je constate également sur le blog avec un déclin très sensible du nombre de vues (exemple typique : mes billets sur les romans Star Trek – 115 vues contre 3000+ vues pour les Jardins de la Lune). Effectivement, ces récits si marqués en terme d’univers et de parti-pris sont destinés en priorité aux amateurs de la dite franchise, ils exigent une connaissance minimale des personnages et du style d’histoire contée, laissant à l’écart de son chemin toute personne étrangère à cette dernière.
Néanmoins, quelques titres mériteraient un intérêt plus vivace ainsi qu’un lectorat plus large car le contenu, l’envergure, la trame ou encore les personnages ne dénotent pas au regard de romans plus « classiques ». Parfois, l’idée que notre microcosme fait preuve d’une hauteur semblable aux lecteurs de littérature blanche vis à vis de notre chère SFFF caresse mes neurones…
Un worldbuilding captivant
Thrawn L’Ascendance propose un récit qui devrait éveiller la curiosité des amateurs de SFFF. En effet, son auteur, Timothy Zahn lauréat d’un prix Hugo, est largement reconnu et apprécié dans le milieu de Star Wars en raison de son talent, des risques pris avec la franchise, souvent bien payant. En effet, ce dernier n’hésite pas à innover et s’écarter d’une trame classique, de personnages souvent dichotomiques, et d’un worldbuilding essentiellement cosmétique.
Avec L’Ascendance, Timothy Zahn va au-delà de ce qu’il avait écrit jusqu’à présent, en créant une civilisation galactique dans une partie d’une galaxie lointaine, très lointaine, loin des canons habituels de Star Wars. Cette civilisation est composée de Chiss, des descendants humains qui se sont égarés dans une partie « accidentées et reculée » de la dite galaxie; leurs traits caractéristiques s’expliquent par des mutations génétiques, elles-mêmes provoquées par les conditions climatiques (période glaciaire de la planète sur laquelle leur vaisseau colon s’écrase), l’instinct de survie, l’environnement, le darwinisme tout simplement.
De même, la nécessité d’aller de l’avant, la rudesse de la vie, le combat perpétuel ont structuré une société avec des mœurs originales, logiques et différentes de ce que nous avons l’occasion de lire.
Timothy Zahn a fait le choix judicieux de ne pas exploiter un énième empire, ou une monarchie galactique; le système politique et sociétal des Chiss est bien plus fin, j’y vois des emprunts à la fois à L’Inde et au Japon féodal. Csilla et sa vingtaine de planètes habitées se composent de 9 Familles Régnantes et de 40 Grandes Familles, comprenant en leur sein de deux strates ou ce que nous pourrions comparer à des castes familiales : un rang lié au sang, plus un chiss est proche de la lignée plus sa position est forte; puis une hiérarchie dans les postes d’essence politiques, le plus éminent étant celui de Patriarche, le chef de la Famille (titre occupé indifféremment par des femmes ou des hommes). J’ai eu le sentiment que nous nous rapprochions plus de « familles politiques »…
Les Familles vivent une lutte permanente pour la Gloire, la puissance, et forcément le pouvoir. Des facteurs dans lesquels, les Chiss puisent leur force, leur détermination mais qui en font aussi des proies pour d’habiles comploteurs, comme nous le verrons par la suite.
Or, l’auteur ne se contente pas de développer cette civilisation « intra-muros », il la dote d’une philosophie isolationniste et non-interventionniste vis-à-vis de ses voisins, et qui réplique violemment pour qui oserait la défier. Prétendre que les Chiss démontrent une certaine suffisance est une lapalissade… Au fil de la lecture, nous nous demandons si un retour de manivelle ne les attend pas au carrefour galactique suivant!
Donc, nos humanoïdes bleus aux yeux rouges ne sont pas seuls : d’autres aliens peuplent l’infernal Chaos aux voies de communication alambiquées, piégeuses, mortelles; raisons pour lesquelles nous n’y rencontrons pas l’Empire de Palpatine, ou la République précédente ou future.
Ces aliens sont à la fois nombreux, différents, pensés avec soin et loin de ressembler à la mignonne peluche que nous voyons régulièrement dans les films ou autres média de la franchise. Timothy Zahn les dotent de structures, de comportements, de vision politico-philosophique et d’art propres. Chacune de ces civilisations nous apparaît dès lors unique, reconnaissable et surtout cohérente! Ce travail ne cesse de me faire penser à des auteurs comme Poul Anderson.
Bien Commun
Après une vue globale de ce deuxième tome, concentrons-nous sur l’intrigue.
Le système sociétal des Chiss les laissent vulnérables à une manipulation sournoise savamment orchestrée qui monterait des Familles entières les unes contre les autres. C’est la conclusion que tire un puissant ennemi.
Dans le tome précédent, nous avions les prémices de cette vaste manœuvre, qui se contentait de tester leurs capacités militaires. Certes la manœuvre des adversaires ne se limitait pas à une belle opération de guérilla, ainsi, la vaste opération des nikkarduns n’était-elle que le premier rideau d’un plan plus ambitieux et de plus grande envergure. Et si, les chiss, grâce à Thrawn s’en sortent, nous sentons dès la fin du premier tome, qu’un Moriarty a conçu un piège plus ingénieux, plus sophistiqué qu’un affrontement direct.
Haplif et quelques uns de son peuple, les Agbui, se présente sur une des planètes chiss comme des nomades culturels, faisant le tour de cette partie de la galaxie à la recherche de connaissances, d’enrichissement culturel et philosophique. Il ne ment certainement pas lorsqu’il prétend rechercher la connaissance, ni sur son désir de connaître les chiss, seulement la vocation ésotérique et paisible prétendue et affichée n’est qu’un leurre pour cet envoyé de l’énigmatique et glaçant Jixtus. Son rôle est de comprendre ces hommes bleus, d’assimiler leurs mœurs et leur organisation, d’en découvrir la faille et d’y semer les germes de la discorde. L’objectif final vise à faire éclater l’unité de cette civilisation de l’intérieur, de provoquer suffisamment de fissures ou une cassure majeure pour les affaiblir et les rendre vulnérables à une attaque extérieure.
Nous sentons Haplif très habile, il nous apparaît comme un filou doux et diplomate bénéficiant de l’aide précieuse de télépathie de contact… Cela facilite la manipulation et la découverte des aspirations profondes de ses interlocuteurs, et de leur Famille. Et il trouve ce qu’il lui faut pour fomenter des troubles majeurs.
Nous pourrions dire que Jistus et Haplif oublient de compter sur des empêcheurs de tourner en rond, avec à leur tête le Capitaine de Vaisseau Thrawn… Toutefois, même ces éventualités sont inclues dans leurs manigances. Néanmoins, ils ne connaissaient pas encore ce chiss si particulier même parmi son peuple, ni l’Amiral Ar’alani.
En effet, suite aux attaques nikkarduns, la Flotte est missionnée pour nettoyer les vestiges de l’armada du Général Yis… or « quelqu’un » s’est chargé de les détruire méticuleusement. Étrange. Par ailleurs, Thrawn apprend que les réfugiés d’un peuple jusque là inconnu, souhaitent pratiquer un suicide collectif, ils ont perdu leur monde, leur foi en l’avenir, tout espoir. Il se trouve que ces réfugiés ne sont pas totalement inconnus pour Thrawn, et de fil en aiguille, ce dernier va remonter la piste.
Le roman fait une large place au worldbuilding et à la mise en place d’une intrigue complexe, aussi, le rythme est-il posé surtout dans son milieu. Toutefois, des passages plein d’action agrémentent ces parties en venant donner une dynamique bienvenue. Les 100 dernières pages se dévorent car l’ouvrage patiemment tissé se met en branle et toutes les pièces s’ajustent dans un parfait mouvement d’ensemble.
Les fans de Thrawn pourraient être un peu sur la réserve car s’il est le protagoniste principal de cette histoire, il n’en occupe pas l’entièreté du roman, des personnages secondaires sont mis sur le devant de la scène et ils se révèlent être de bonnes surprises. La Force occupe une place toute relative dans l’Ascendance, même si son importance pour les Chiss est vitale.
En conclusion
L’Ascendance : Bien Commun est un très bon deuxième tome, élargissant notre connaissance de la civilisation Chiss et du Chaos, proposant un récit aux multiples ramifications et des personnages plein de saveur. La critique sociétale des divers systèmes politiques, des visions politiques (non-intervention/intervention – ingérence/non-ingérence, ect…) transparaît à travers tout le roman laissant les lecteurs réfléchir de leur côté – ou pas. C’est un des aspects de cette Ascendance que j’ai beaucoup apprécié, un récit qui dépasse la frontière du pur divertissement pour s’adresser aussi bien à nos tripes qu’à nos neurones.
Ce livre est pour vous si :
- Vous adorez l’univers de Star Wars
- Vous aimez découvrir des civilisations
- La Science-Fantasy, c’est de la balle!
je vous le déconseille si :
- SW : beurk!
- Non aux batailles spatiales, je veux des sabres-lasers
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Encore un très bon article
J attends ton avis sur le tome 3. Je ne l ai pas lu et j espère que tu donneras envie de s y plonger
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Merci beaucoup!
Je suis en cours de lecture du tome 3 qui débute de manière très emballante.
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Je t’avoue que je n’ai jamais vu Star Wars et que si je me dis qu’il faudrait que je le fasse, au moins pour ma culture, ça ne me tente pas des masses. Alors je n’aurais même pas envisagé de lire un roman de la franchise. Néanmoins, cette série ne semble pas dénuée d’intérêt notamment en termes de critique sociétale et politique !
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J’aurais d’autres chroniques au sujet de romans Star Wars, car ce sont les rares récits qu’il a envie de lire. Donc, nous nous sommes lancés un défi conjoint sur environ 40/50 romans de la franchise à lire dans les années qui viennent. J’en suis ravie car, cela est loin de me déplaire et partager une passion avec ta moitié est toujours motivant et emballant.
J’en ai lu auparavant, et ce titre sort réellement du lot, et il fait et fera partie de la poignée que j’estime intéressant au-delà du fandom. Cette trilogie vraiment très chouette.
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C’est un sacré et beau défi que vous vous êtes lancés !
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Oui, j’en suis à mon 6° et mon mari en est à son 2°. Je ne compte pas lire 30 ou 40 titres d’une traite, mais je suis tombée sur Thrawn, et ce personnage est captivant.
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Ton plaidoyer est très efficace : je suis presque tenté de lire ce bouquin alors que j’ai tendance à fuir ce genre de parution. Si je franchis le pas, je te préviendrai.
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SI tu franchis le pas, je suivrais avec attention ton retour. C’est un des rares sur lesquels tu me liras insister sur l’intérêt de le lire (normalement, il y en a un autre qui est un roman seul, du coup plus « accessible »).
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J’aime Star Wars, j’aime la Science-Fantasy, j’aime découvrir de nouvelles civilisations. Tu vas finir par me tenter 😉
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Si tu dois lire juste un titre ou deux celui-ci en fait partie. C’est bon, tout simplement.
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J’ai regardé, et il semble qu’il y ait 2 trilogies sur Thrawn dans le « nouveau SW » : Thrawn et Thrawn l’ascendance.
Tu me conseilles de lire les 2 dans l’ordre ? Sont-elles liées ?
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Il y a bien 2 trilogies sur Thrawn dans le nouveau canon Star Wars. Enfin, ce que j’appelle, une véritable trilogie et l’autre est une histoire unique en 3 tomes, cela peut faire varier ton choix.
Si tu souhaites un ordre chronologique je te conseille Thrawn l’Ascendance, toute une histoire en 3 tomes, élaborée, avec un worldbuilding sur les Chiss chouette, et tu découvriras un jeune Thrawn.
Puis tu enchaînes avec la trilogie sur Thrawn dans l’Empire, avec 3 histoires qui restent indépendantes, même s’il y a un certain fil rouge. Le premier et le troisième tome sont très chouette aussi.
Les 2 trilogies sont liées car Thrawn commence quelques temps (semaines) après le Thrawn L’Ascendance.
Si tu prèfère quelque chose de « plus Star Wars », il faut faire l’inverse car Il y a l’Empire, l’Etoile de la mort dans la première tilogie écrite par T. Zahn.
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Merci pour cette réponse très détaillée 😊
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Je t’en prie, j’espère lire une ou deux chroniques chez toi!! 😉
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Bon, étant une grande fan de Star Wars (je me souviens encore de mon émerveillement quand j’ai vu le premier film au cinéma), il est évident que j’adore tes articles 😀
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