Il existe des jours où tu rêves d’une aventure épique, d’une immersion totale, d’un récit qui t’engloutit… mais tu n’as pas de Maître de Jeu sous la main. Et même si tu en avais un, rien ne garantit qu’il ne déciderait pas soudainement que ton personnage se réveille avec des pattes de poulet, condamné à rater tous ses jets “pour l’histoire”.
C’est là qu’Agemonia, entre en scène : cape au vent, sabre au clair, prêt à sauver tes soirées sans drama.

Disponible uniquement en anglais ou finnois, Agemonia cumule charme, mécaniques bien huilées et profondeur narrative. Disons-le sans suspense artificiel : j’adore ce jeu.
Mais cet article n’a pas pour objectif de vous convaincre de l’acheter à tout prix. Je veux surtout vous décrire comment Agemonia se joue, quelles émotions il procure, et en quoi il capte l’essence du JDR (jeu de rôle)… sans nécessiter de MJ.

Agemonia est jeu de plateau coopératif narratif.

📜⚔️ I. Le concept : Un RPG camouflé dans un jeu de plateau

Dans un article précédent, j’évoquais déjà la richesse de l’univers d’Agemonia : un monde aux fondations solides, ethnies diverses, tensions politiques, héritage d’anciennes civilisations très avancées… À la manière de la célèbre loi de Clarke : “Toute technologie suffisamment avancée est indiscernable de la magie”; le passé d’Agemonia irrigue l’univers d’un charme mystérieux.

Vous disposez donc d’une base solide pour vivre des aventures narratives cohérentes et captivantes. Et j’insiste : cohérentes. Ce point fait souvent défaut à nombre de jeux qui promettent de grandes épopées mais s’avèrent incapables d’en maintenir la logique interne (la liste serait longue comme une nuit polaire) ou d’insuffler un souffle épique. Ou tout simplement d’offrir une histoire au moins intéressante (ouch!)

Agemonia, lui, propose une véritable campagne avec un début, un milieu et une fin. L’issue dépend entièrement des joueurs, qui modèlent la trajectoire en fonction de leurs choix. Après quatorze scénarios, je n’ai encore rencontré aucune redondance.

Adieu le sempiternel Porte-Monstre-Trésor !

Une astuce judicieuse structure chaque chapitre : un deck de cartes spécifique, qui orchestre événements, embranchements, obstacles et révélations. Pas révolutionnaire, mais exécuté avec suffisamment de malice pour rappeler un MJ espiègle… sans imprévisibilité pittoresque.
Le jeu repose aussi sur trois livres :
– le livre de scénario,
– le livre de ville,
– et un livre d’Adventure de 999 paragraphes (dialogues, PNJ, combats, énigmes, infiltrations…). De nombreux renvois vous y conduiront, parfois même durant les affrontements.

De quoi nourrir une campagne dense et variée. Et la promesse est tenue jusqu’à présent.

🎲 II. Les mécaniques

Une session d’Agemonia dure 2 à 3 heures, selon votre groupe. Le jeu suit toujours le même cycle :

1. Phase de ville,
2. Événement de voyage,
3. Scénario,

🧺 Phase de ville : un souffle de vie dans Runedale

Vous pouvez explorer autant que vous le souhaitez : échoppes, PNJ, petites quêtes, interactions, secrets… Son rythme dépend entièrement de vous. Plus votre niveau augmente, plus la ville s’enrichit d’interactions. Mais surtout, c’est là que progresse l’histoire personnelle de votre personnage, l’un des attraits majeurs du jeu. Parfois, je passe une session entière sur cette dernière, visitant l’ensemble des lieux, activant chacune des options offertes.

🐾 Événement de voyage : une parenthèse savoureuse

Enfin prêts, le parfum de l’aventure titillant vos papilles d’intrépidité, vous vous lancez sur des chemins inconnus. Vous rencontrez un événement de voyage : court, mais souvent mémorable – parfois bénéfique, parfois cocasse, parfois… clairement pas en votre faveur.

⚙️ 2. Le système d’action : structuré comme une session de RPG bien huilée

La page de la carte est ouverte, le deck de scénario en place : tout est entre vos mains… ou dans les pattes de vos personnages.

Rapidement, vous découvrez une variété réjouissante d’actions possibles : ennemis à combattre, points d’interaction mystérieux, coffres à ouvrir, mécanismes à activer, runes à déchiffrer, plantes à cueillir.

Les premières fois, nous sommes presque grisés de voir qu’il n’y a pas que la tatane dans la vie (de joueur). Les actions se résolvent via des tests basés sur les dés personnalisés, au coût de stamina, votre ressource principale qui fait aussi office de points de vie.

Même si la récupération n’est pas punitive, les situations tactiques imposent des décisions difficiles. Et c’est délicieux : tension, frissons, adversité sont au rendez-vous.

Chaque héros possède des capacités uniques, car le jeu repose sur la synergie entre vos talents. Pour limiter la frustration propre aux jets de dés, l’équipement et les gemmes (autre ressource limitée) permettent une mitigation intelligente, sans jamais dénaturer l’incertitude.

⚔️ 3. Les combats : tactiques, coopératifs, sans règles improvisées à la volée

Les affrontements sont nombreux, mais jamais répétitifs – l’intensité et le nombre dépendent de l’objectif des missions. Le plateau évolue au fil de vos actions : une pièce secrète apparaît, une caverne s’ouvre, un mécanisme déclenche un changement de configuration…

Les ennemis sont loin d’être de bêtes sacs à PV.

🕷️ L’IA des ennemis est lisible mais loin d’être stupide. Zigouillez quelques araignées, et ne vous étonnez pas de voir surgir leur gigantesque mère arachnide, furibonde, venimeuse, et résolue à vous faire regretter votre excès de confiance, à grand renfort de toile et de venin. Vous serez dans de beaux draps de soie… La complémentarité entre personnages devient cruciale, d’autant que le corps à corps est particulièrement punitif.

L’initiative, déterminée par un système de cartes simple et pensé aussi pour les daltoniens (couleurs + symboles), ajoute une touche de tension bienvenue : vos actions sont programmées avant de connaître l’ordre du tour.

🎖️ 4. L’évolution des héros : comme un RPG solo… mais partagé

Les personnages sont une des raisons majeures de mon appétence pour Agemonia. Tous différents, tous originaux, chacun doté de sa quête personnelle.

En progressant, vous gagnez de l’expérience, débloquez des fragments de votre histoire, et assemblez peu à peu les pièces de votre destinée.
J’incarne actuellement la seule représentante de son espèce connue — et découvrir ses origines, ses enjeux et son peuple disparu est un régal. Cet aspect est solide, mystérieux, engageant : un vrai fil narratif.

🎇 Conclusion
Si tu rêves d’un RPG où personne ne contredit personne, où les règles ne changent pas au gré de l’humeur d’un MJ, et où l’aventure t’attend dès que tu ouvres la boîte… alors Agemonia t’a déjà préparé ton premier chapitre. Et lui, au moins, il ne t’en veut jamais quand tu rates un jet.

A noter : un matériel somptueux et des rangements ergonomiques

⭐ Ce jeu conviendra parfaitement :

• aux couples ou groupes qui aiment collaborer,
• aux joueurs intimidés par le JDR classique,
• aux amoureux des campagnes riches et progressives,
• et même aux MJ… qui aiment parfois autant leurs soirées coopératives que leurs joueurs.

PS : je suis moi-même MJ ainsi que joueuse, les clins d’oeil glissés ici ou là, sont liées à de situations vécues.