La Terre bleue de nos souvenirs – Alastair Reynolds

La Terre Bleue de nos souvenirs d’Alastair Reynolds

Les enfants de Poséïdon, tome 1

Bragelonne

Je me suis enfin décidée à franchir le pas pour me plonger dans un bouquin du britannique Alastair Reynolds. Sa réputation d’écrivain de hard-SF avait eu tendance à me détourner de ses écrits. Cette hésitation n’est pas liée aux termes, explications ou théories techniques et scientifiques, mais à l’aridité émotionnelle que je ressens à la lecture de tels récits. De fait, mes aprioris se sont révélés plutôt infondés, mais pour autant, la lecture de ce premier tome ne m’a pas emballée outre mesure.

Il faut aussi souligner que le 4° de couverture du présent roman, La Terre bleue de nos souvenirs est assez alléchant accolé à un auteur de belle renommée :

« XXIIe siècle. Le Mécanisme sait tout. Où vous êtes, à quoi vous pensez. Geoffrey et Sunday Akinya savent que garder un secret peut s’avérer dangereux. Leur famille a profité de l’essor économique de l’Afrique. Eux l’ont rejeté en bloc. Geoffrey travaille sur l’intelligence animale au Kilimandjaro et Sunday mène une carrière artistique sur la Lune, hors de portée du Mécanisme. Mais en mourant, leur grand-mère laisse un secret qui va les lancer dans une course désespérée… sous l’œil impassible du Mécanisme.« 

Mais voilà, le Mécanisme n’est présent qu’en toile de fond et il ne paraît pas si menaçant à la lecture du roman. Certes, son influence est sensible, malgré de très rares interventions (dont notre héros en fera les frais ultérieurement), mais nous sommes loin du Rapport préliminaire de Dick, cela se rapproche plus de « Samaritain » de Person of Interest. J’avoue que je m’attendais à un interventionnisme de ce Régulateur plus important et plus envahissant. Toutefois cette subtilité ne nuit pas à l’univers, au contraire. Au fil des pages, et grâce aux comportements des protagonistes, le lecteur comprend toute l’importance du Mécanisme et de la police de la pensée dans « l’éducation » des peuples vers la non-violence (et sans doute sa surveillance de tous les instants).  Le modelage de la société est si poussée qu’il est devenu impossible de commettre un crime. Il anticipe et prévient toute velléité d’infraction, aseptisant les rapports humains et l’humanité. A tel point qu’il existe deux sociétés parallèles.

Certains réfractaires se sont réfugiés dans la Zone, une partie de l’espace lunaire hermétique au Mécanisme. Il y vit toute une population un peu bohème et marginale dont Sunday Akinya, sœur de Geoffrey et artiste de son état. D’autres ont investi les océans, transformant leurs capacités corporelles pour devenir des êtres amphibiens voire carrément aquatiques,  constituant une société à part et totalement autonome. L’homme a conquis le système solaire et les mers terrestres, avec difficulté ayant nécessité beaucoup de détermination. L’un des précurseurs, qui s’avère être une gloire de cette conquête, est la grand-mère des deux « héros » qui leur lègue un jeu de piste vers un trésor mystérieux, semant au passage la zizanie la plus complète dans sa richissime famille africaine.

C’est en accompagnant Sunday et Geoffrey dans cette quête, de la Lune à Mars en passant par la Terre, qu’Alastair Reynolds nous dévoile sa vision de notre futur. Une conquête spatiale à dimension humaine, la mise sous tutelle de l’humanité facilitée par des implants neurologiques obligatoires, des transformations génétiques radicales,  des IA mises à l’écart par suspicion et finalement peu de latitude pour la création et la spontanéité.

Un monde certes plus sûr, mais pas du tout séduisant. Un avenir si aseptisé que l’appel des étoiles apparaît comme un salut.

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Quand aux « héros », je ne suis guère plus enchantée que Xapur qui évoque à juste titre dans sa critique : « des rebelles mous ». Sunday et Geoffrey défient leur richissime famille, l’une artiste vivant dans la Zone, l’autre, scientifique pleurant des subsides auprès de ses cousins. Ils n’inspirent pas un grand attachement et si j’ai poursuivi la lecture jusqu’au bout, c’est pour suivre les péripéties de la grand-mère ou plutôt de son fantôme virtuel…

En effet, la technologie a énormément évoluée. Il est possible de se rendre sur la Terre depuis la Lune dans un golem, une sorte de robot qui accueille la conscience de l’humain en voyage, ou même dans l’esprit d’un autre être humain. Ce concept est intéressant, mais pas autant développé que dans Les enfermés de Scalzi. Sunday a utilisé ces évolutions techniques pour reconstituer un double virtuel  de mamie Akinya, plus vraie que nature, ou presque.

Les lecteurs auront le loisir de découvrir de nombreux thèmes abordés par l’auteur, ma critique serait trop longue si je devais en faire le tour : la manipulation génétique, le dispersion dans l’espace, l’eugénisme, le danger potentiel de l’IA, …. En soi, ce n’est pas extravagant, et l’auteur a les moyens de son ambition. Seulement, cet étalage se fait au détriment d’une histoire captivante et de protagonistes convaincants.

Le premier tiers du livre est franchement longuet, voire ennuyeux. L’histoire a commencé à capter mon attention à la page 265. Et il a fallu attendre la page 273 pour que je me dise, finalement, il y a un peu de suspens… Il est vrai que par la suite, le rythme devient plus enlevé et le récit plus vivant.

J’en ressort avec un avis plutôt mitigé. D’un côté, les nombreuses thématiques m’ont emballée de par leur ambition et surtout par la cohérence de leur agencement. D’un autre côté, le rythme, les personnages « mous du genou », et la trame insipide du premier tiers du livre ne plaident pas en faveur de La Terre bleue de nos souvenirs. Heureusement que la « pseudo grand-mère » apporte le peps et la saveur  dont sont dépourvus les vivants!

Petite note : l’aspect hard-sf est très léger et ne présente aucun obstacle à la lecture
Deuxième note : ne sais pas encore si je lirais le tome 2.
Autres critiques :

Le Culte d’ApophisXapur LorhkanRSFblog Blog Impromptu

Livre coup de cœur pour la Prophétie des ânes  et les lectures du Maki

Challenges :

Pas de combo 😦

Summer Star Wars – Épisode VII

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20 réflexions sur “La Terre bleue de nos souvenirs – Alastair Reynolds

  1. Si le tome 1 ne t’as pas plus emballé que ça, je ne suis pas certain que le 2 te plaise plus… bien que le fait que les Akinya n’y soient plus une dynastie richissime et surpuissante puisse te rendre Chiku plus sympathique que sa mère et son oncle.

    Sinon, je suppose que tu es devant le Del Potro / Ferrer ?

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    • Ah. OK, pour le tome 2. Cependant tu m’as l’air assez convaincue… J’ai pour intention de tenter d’ici peu de temps Janus ou l’espace de la révélation. Je ne suis pas très emballée par ce livre, mais j’ai bien aimé d’utres points chez cet auteur.
      Oui, j’ai regardé Del potro et je maintiens ma petite pièce sur lui!

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  2. A vous lire, je me demande si la traduction n’aurait pas affadi la subtilité de l’écriture en VO… Des rebelles « mous » certes, mais avant-tout par ce que toute attaque « frontale » est vouée d’avance à l’échec et que l’on ne peut progresser que dans l’ambiguïté… Une stratégie « du faible et ignorant à l’omniscient » qui nécessite de s’encombrer d’alliés « par défaut » ou – comme l’a fait la grand-mère, de prendre radicalement ses distances… (je n’en dirai pas plus pour ne pas « spoiler » le plaisir des futurs lecteurs ;-)…

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    • OUi, les rebelles mous de Xapur. Effectivement, ils ne pouvaient pas opérer une attaque frontale JC, et les alliès de circonstances étaient des plus bienvenus.
      Mais, ce qui a eu le plus d’impact sur mon avis mitigé, c’est le gros premier tiers trop terne, car les frangins n’avaient pas beaucoup de latittude sauf à prendre un énorme pari sur l’avenir pour un enjeu inconnu voire une lubie de Grand-ma… La traduction a toujours une influence!

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  3. Pour revenir sur la différence d’approche entre l’édition originelle en VO et la quatrième de couverture française, voici -pour comparaison – le texte d’appel de l’œuvre en anglais :

    « One hundred and fifty years from now, in a world where Africa is the dominant technological and economic power, and where crime, war, disease and poverty have been banished to history, Geoffrey Akinya wants only one thing: to be left in peace, so that he can continue his studies into the elephants of the Amboseli basin. But Geoffrey’s family, the vast Akinya business empire, has other plans.

    After the death of Eunice, Geoffrey’s grandmother, erstwhile space explorer and entrepreneur, something awkward has come to light on the Moon, and Geoffrey is tasked – well, blackmailed, really – to go up there and make sure the family’s name stays suitably unblemished.

    But little does Geoffrey realise – or anyone else in the family, for that matter – what he’s about to unravel. Eunice’s ashes have already have been scattered in sight of Kilimanjaro. But the secrets she died with are about to come back out into the open, and they could change everything. Or shatter this near-utopia into shards . . . »

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    • Le quatrième de couverture est plus proche du récit et des enjeux que le notre. ET décrit déjà le caractère paisible d’un des protagonistes principaux. Ce n’est pas la première fois que la traduction n’est pas à la hauteur du texte en VO…

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    • J’ai aimé, mon avis est mitigé car les personnages m’ont un peu déçue et le rythme était un peu mou au début. Mais, il faut aussi préciser que vu la réputation de l’auteur j’avais d’énormes attentes… du coup, la déception a tempéré mon opinion.

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