Binti : Home (T2) – Nnedi Okorafor

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Lecture VO

C’est presque par hasard que j’ai découvert Nnedi Okorafor l’année passée avec un texte en VO. Presque seulement. J’avais déjà repéré son roman paru chez Actu-SF , Qui a peur de la mort ?

En faisant quelques recherches, il apparaît que l’auteur américaine d’origine africaine a quelques talents et surtout a remporté un prix Hugo (2016) et un prix Nebula (2015) pour son roman court : Binti. Ni une, ni deux, le voilà dans mon escarcelle, lu et chroniqué en l’espace de quelques jours.

Si la résolution de la trame reste assez classique et même simple, la créativité de l’écrivain, la place des maths et la thématique du racisme traité avec nuances m’avait enchantée. Delà à lui attribuer deux prix prestigieux, je ne m’avancerais pas, car je n’ai pas lu l’ensemble des novellas en compétition.

Je vous propose donc de découvrir le deuxième volet des aventures de Binti, une novella qui m’a fait vibrée les neurones, qui a ému mon petit cœur… une novella un ton au-dessus du premier volet.

Dans l’épisode précédent… ou presque.

Binti est une jeune fille particulièrement douée en mathématiques, elle fait partie de la tribu des Himbas qui vivent dans le désert. Cette culture assez imperméable et recluse sur ses membres ne lui offre pas d’avenir à la mesure de son talent, de son amour des équations, ni de son ambition. En effet, elle est promise à la succession de son père, un « harmoniste » mathématico-technique et à un futur jeune promis qui gérera la boutique (une femme dans les affaires, ben voyons!…)

Et pourtant, nous ne sommes pas avec ces textes dans un univers passé, médiéval-fantastique, mais bien dans un monde futuriste rempli de mondes, de dangers et de voyages interstellaires. Nous sommes bien sur Terre également, où exactement, c’est difficile à dire, Les Himbas vivent à proximité du désert, mais il peut s’agir aussi bien de l’Afrique que de l’Angleterre dans quelques siècles…

Ainsi, la jeune Binti a-t-elle pris la poudre d’escampette pour honorer une prouesse intellectuelle de premier ordre : elle a été reçue en mathématiques à la prestigieuse université de Oomza située dans un autre système solaire.

Lors du voyage, leur fish-vaisseau est abordé par une troupe de Méduses belliqueuses qui tue tous les passagers (futurs élèves) et membres d’équipage, sauf Binti, protégée par son edan, un artefact ancien avec lequel elle entretient une forme de symbiose (mathématique). Bref, elle s’en sort avec brio… en étant l’ambassadeur d’une paix fragile entre les Koushs (humains) et les Méduses. Waouh! Quelle femme! C’est sans doute en cela que j’avais trouvé la novella précédente un peu trop « facile » dans sa résolution.

Elle s’est même liée d’amitié avec Okwu, un de ces E.T. mou et gélatineux, mais redoutable (comme quoi les apparences sont trompeuses). En échange de son implication héroïque et réussie, le peuple des Méduses, lui fait don de leurs tentacules à la place de sa chevelure lors d’une manipulation génétique particulièrement douloureuse (physiquement et psychologiquement).

Je brosse un résumé plutôt complet des aventures passées de Binti, non pas par plaisir de vous spoiler, la plupart des éléments dévoilés ici, le lecteur les voit venir comme un éléphant dans un champ de coquelicots, mais ils sont éminemment important pour ma chronique présente.

L’année universitaire de Binti se passe cahin-caha, son apparence spéciale et son statut ne lui permettent pas d’établir des liens avec les autres élèves (ses pairs ont été massacré lors du voyage dans Binti…), elle entretient donc des relations avec les seuls Okwu et un de ses professeurs qui l’aide aussi à explorer les « facultés » de son edan.

L’univers

Peu de changement par rapport au tome 1, relatif à l’univers global. L’université de Oozma accueille de nombreuses espèces extra-terrestres dont nous survolons les caractéristiques (normal, roman court); en revanche, les différents moyens de transport in situ sont exotiques et donnent une impression SF vraiment chouette, odeurs comprises!

Les spécificités du peuples Méduse et leur background ont été vu dans le tome précédent, toutefois, il y a des éclaircissements au sujet de leur psychologie.  Nous en apprenons également davantage sur les causes de cette symbiose mathématiques, en relation avec la technologie, et même sur le mystérieux artefact, l’edan. Tous ces éléments donnent de la consistance à cet univers mis en place même si l’auteur ne cherche pas à créer un roman de hard-sf.

Des thématiques fortes, parfaitement traitées

C’est surtout la culture Himba qui bénéficie d’un éclairage tout particulier. Vivant assez recluse, aux marges du désert, son particularisme s’avère particulièrement soigné et complexe. La femme tient un rôle presque exclusivement domestique, et même si elle occupe un métier technique (Maître hamoniseur pour astrolabe dans le cas de Binti), le mari conserve les rennes officielles et représentatives de la boutique… Le retour au bercail de notre jeune mathématicienne qui a rompu avec les traditions familiales sont promettent d’être en butte avec un certain scepticisme communautaire voire familial…

Les Himbas souffrent d’une forme de discrimination de la part des Koushs, un racisme latent plus ou moins déclaré qui les écartent doucement mais sûrement des fonctions élevées. Nnedi Okorafor n’en reste pas à ce constat – presque bateau. Elle brosse le tableau d’une culture qui se conforte dans cette « impasse », et qui éprouve elle-même un racisme vis-à-vis des Koushs, ne cherchant pas à se mêler à ce peuple impur (ils ne couvrent pas leur corps d’Osee, un baume à base d’huiles végétales et de terre rouge). De plus, dans les deux cultures, la présence d’Okwu dérange, rend inconfortable, déclenche des réactions de rejet.

L’auteur est plus subtile que je ne le suis dans ces lignes, car tout est présenté avec des suggestions, un petit commentaire comme quoi, les himbas sont purs car ils portent ce baume, le pèlerinage, acte himba de pureté permet une considération particulière chez eux,…

Mais, c’est avec le peuple du désert – une population avec qui ils partagent nombres de caractéristiques (ils sont noirs), et liens familiaux – que la ségrégation se meut en hostilité. Une culture humaine encore une fois travaillée, et d’inspiration sans doute africaine.

Binti, elle, a ouvert les yeux.

Autre thématique forte, traitée avec sensibilité et vraisemblance a trait avec les expériences traumatisantes.

Malgré une vie qui semble toute tracée vers la réussite et les honneurs, Binti s’avère très affectée. Non seulement s’habituer aux tentacules est une épreuve en soi, mais la présence quotidienne de Okwu est un rappel vivant et constant de son statut de survivante. Elle est partagée entre la culpabilité et le soulagement de vivre, présente donc les signes d’un stress post-traumatique conséquent (accès de colère, cauchemars, peurs irraisonnées,…)

Aussi, décide-t-elle de se rendre sur Terre, pour participer à ce pèlerinage « detox » qui lui lavera l’âme et le corps. Okwu décide de l’accompagner. L’accueil ne sera pas aussi glorieux qu’escompté mais l’occasion de découvertes… intéressantes.

Malgré des choix forts et casse-geules, Nnedi Okorafor propose un texte loin d’être larmoyant, moralisateur ou une tribune politique. Sa plume tout aussi créative que sensible est chatoyante, et surtout positive. C’est particulièrement plaisant de lire des textes « solaires » avec de telles thématiques, tâche facilitée car Binti est un personnage particulièrement rayonnant.

Voici une novella qui a relevé toutes les promesses contenues dans son tome d’ouverture. Si initialement, le premier volume avait un petit parfum de Young Adult de grande qualité, Nnedi Okorafor a sauté le pas et nous propulse dans un space opera sensible et subtil centré sur les difficultés relationnelles entre peuples ou personnes ayant de fortes discordes – ou conflits. J’ai été enthousiasmée par cette lecture.

Je pense que la trilogie se conclura sur la notion d’acceptation et de pardon.

Ce livre est pour vous si :
  • vous aimez les personnages féminins haut en couleurs
  • vous est fan de maths
  • vous aimez la SF positive
je vous le déconseille si
  • vous êtes allergique au format novella
  • vous ne supportez pas de lire de la SF, même de qualité
  • les méduses vous font faire des cauchemars
Niveau anglais : facile

Autres critiques :

LE Troll

Autres tomes

Tome 1 – Tome 3

Le livre :
  • 176 pages
  • Tome 2
  • 3,34€ sans DRM
  • Tor

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17 réflexions sur “Binti : Home (T2) – Nnedi Okorafor

  1. Il parait qu’il faut mieux lire le T2 et le T3 quasiment à la suite parce que c’est en fait quasiment un roman divisé en deux (du moins la même histoire qui se poursuis).
    Pour l’instant je ne sais pas du tout si je vais les lire, j’avais été un peu déçue par le premier et j’ai vu des avis qui allaient dans mon sens sur les blogs (en fait ceux qui ont été déçus par le premier le sont en général encore plus par la suite). Du coup j’hésite encore.

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    • Le tome 3 est la suite directe du tome 2, sans aucun doute avec la fin. Mais, je pense que les thématiques seront différentes, d’où un troisième tome.

      Pour la déception, cela dépend de ce que l’on attend. Je savais un peu ce que donnerait le tome 1 et même si j’ai été un peu déçue (un peu trop facile au niveau de la résolution), surtout en raison des attentes liées aux deux prix, j’ai bien aimé cette lecture.
      Iic, nous sommes dans la même veine que le premier, un tome un plus mature, réaliste dans sa description des effets post-traumatiques, de la recherche de sa « nouvelle identité », avec un peuple de culture SF d’inspiration africaine.
      De l’action (boum-boum!), il n’y en a pas tant que cela, celui-ci étant assez introspectif.

      Bref, cela dépend donc essentiellement de ce que tu as envie de lire et de ce que tu en attends.

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  2. Je suis un peu comme Chien Critique, je note l’existence de ce roman, mais je ne le place pas sur ma liste prioritaire d’achat (GuyGavriel Kay prend déjà toute la place : je n’ai jamais lu aucun livre du monsieur, et vu que Tigane va enfin être réédité, à supposer que ce ne soit pas déjà le cas, je me suis dit qu’il fallait que je saute sur l’occaz’…).

    J’apprécie, toutefois, l’idée de découvrir un petit pan de culture d’inspiration africaine : c’est rafraîchissant (j’adore l’Europe et son histoire, hein, mais justement : je connais un peu trop bien la chose pour être vraiment dépaysé…).

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  3. J’ai un excellent souvenir de Qui a peur de la mort : des thématiques qu’on a pas l’habitude de voir traiter en fantasy, et un décor africain qui ne fait pas carton-pâte. J’avais déjà noté ce texte mais ta critique renforce mon intérêt 🙂

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    • Oui, il ya du charme dans ce texte. C’est difficile à traduire et je pense qu’il faut y être sensible. Car les intrigues en elle-mêmes sont assez classiques. En revanches, comme tu dis, le décor ne fait pas carton pâte – ici je dirai les cultures – et les thméatiques sont nuancées.

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