Dans CuirassĂ©s, lâauteur britannique signe une satire de la guerre et du pouvoir, portĂ©e par un souffle de science-fiction militaire et une ironie mordante. Une novella oĂč les chevaliers modernes brillent autant que le cynisme quâils dissimulent.
âïž Les HĂ©ritiers
« Futur proche. Angleterre, nouvel Ătat de lâUnion nord-amĂ©ricaine.
Les HĂ©ritiers nâont aucune limite.
Les Héritiers ne meurent pas.
Les HĂ©ritiers ne disparaissent pas.«
Jusqu’Ă aujourd’hui
Sauf quâaujourdâhui, lâun dâentre eux sâest volatilisĂ©, sans alerte prĂ©alable, sans envoi de SOS, sans dĂ©clenchement de balise de dĂ©tresse. Rien.
Il était là . Puis, pfou ! Disparu. En territoire ennemi.
Cette disparition est inouĂŻe, et mĂ©ticuleusement gardĂ©e sous silence. Les HĂ©ritiers ne sont pas censĂ©s sâĂ©vanouir en pleine nature.
Ces chevaliers dâun futur dorĂ©, bardĂ©s dâacier et dâarrogance, sont Ă lâĂ©preuve du feu, des balles, et de presque tout le reste. Tout comme leurs ancĂȘtres des Ăšres moyenĂągeuses, une hypothĂ©tique capture lors des combats se rĂ©sume Ă une contrariĂ©tĂ© de courte durĂ©e. Leur famille, leur entreprise veillent.
đ° Un monde oĂč lâargent a remplacĂ© la noblesse
Ils sont les hĂ©ritiers dâune fortune colossale, de parts de marchĂ© considĂ©rables. Dans cette sociĂ©tĂ©, la nĂŽtre, lâaccumulation dâargent a remplacĂ© les titres et quartiers de noblesse et autorise les excĂšs, les comportements aberrants, lâattribution de « droits » exorbitants du commun des mortels.
TchaĂŻkovsky sâempare des premiers marqueurs de la chevalerie, en les tordant pour nous prĂ©senter des figures bien loin des standards moraux de celle-ci. Vous dĂ©couvrirez une morgue hautaine, rutilante de certitudes, qui ne vous dĂ©paysera guĂšre, et qui permet de se projeter dans ce futur si proche, structurellement, sociĂ©talement.
Autre marqueur de ces temps passĂ©s : la genĂšse et la poursuite de la guerre. Elle fait rage depuis des annĂ©es entre les USA, associĂ©s Ă leurs vassaux, et les pays scandinaves « socialistes ». NĂ©anmoins, sous les tables, ce sont les intĂ©rĂȘts privĂ©s â multinationales et conglomĂ©rats â qui expliquent le dĂ©clenchement du conflit ainsi que sa poursuite.
Le contrÎle du récit fait également partie des points critiqués dans cette novella.
La propagande de guerre y devient une vĂ©ritable piĂšce dâorfĂšvrerie..
đȘ Il faut sauver le soldat JĂ©rĂŽme
Ainsi, « cousin JĂ©rĂŽme » sâest volatilisĂ©, en plein milieu du territoire ennemi. ForcĂ©ment, un HĂ©ritier ne peut ĂȘtre ignorĂ© : il est bien trop prĂ©cieux.
Une Ă©quipe de secours est dĂ©pĂȘchĂ©e : trois soldats amĂ©ricains, une mercenaire, et un guide anglais. Leur mission : retrouver un HĂ©ritier disparu.
Toute la premiĂšre partie se concentre sur ces personnages, leur infiltration en terre hostile ainsi que quelques phases dâexposition et dâexplication, notamment sur la situation politique mondiale, les origines du conflit et les cuirassĂ©s exceptionnels qui Ă©quipent ces nouveaux chevaliers de la caste dirigeante. Des bijoux de technologie, de puissance de feu : des forteresses individuelles imprenables. Ce qui rend lâĂ©vanouissement du cousin JĂ©rĂŽme encore plus suspect.
Cette premiĂšre partie reste classique, presque trop sage, et seuls quelques dĂ©tails futuristes lui Ă©vitent la banalitĂ© dâun rĂ©cit militaire. Cela pourrait surprendre certains lecteurs avides de SFFF. MĂȘme les premiĂšres escarmouches sâinscrivent dans ce registre.
đ§ Et il a suffi dâun lac.
đŁ Le Lac du Docteur Moreau
Et de quelques empreintes. Et soudain, le récit bascule.
Et lâombre de lĂ©gendes scandinaves s’Ă©tend, peuplĂ©es de monstres et … de crabes gĂ©ants, fruits dâexpĂ©riences contre nature.
Il est assez dĂ©licat dâen rĂ©vĂ©ler davantage, car câest lĂ que se situe non seulement le changement de registre de lâauteur, mais Ă©galement tout le sel du rĂ©cit.
LâĂ©quipe de secours retrouver les traces du cousin JĂ©rĂŽme, mais lâaxe du rĂ©cit se modifie. Si lâobjet de la mission reste inchangĂ©, lâaventure du Soldat JĂ©rĂŽme prend un accent tout autre, plus mordant, plus piquant.
LâĂle du Docteur Moreau prend alors le devant de la scĂšne. Des crĂ©atures sâen mĂȘlent, sauvant les fesses de lâĂ©quipe, pour un temps, et bouleversant le sens mĂȘme de la mission. Cette seconde partie propulse la novella sur une terrain tout aussi acharnĂ© : la critique sociale.
Les lecteurs que nous sommes entrent de plain-pied dans un texte de SF, avec une nuance spĂ©culative comme nous les aimons. Lâauteur nous brosse les visĂ©es hĂ©gĂ©moniques du cousin dâoutre-Atlantique, et de son sport favori : le changement de rĂ©gime. Peu importe le sacrifice des troufions.
đ§ Conclusion
Toujours aussi référencé, Adrian Tchaïkovsky nous propose ce récit de SF sur fond de guerre, prétexte à une analyse sociétale. Les chevaliers modernes, mis à nus, sont les parfaits vecteurs du cynisme des classes dirigeantes. Mené tambour battant, obus et missiles fusant de toute part, Cuirassés se dévore avec une certaine délectation tant le retour de bùton est jouissif.
TchaĂŻkovsky manie la critique sociale avec la prĂ©cision dâun tir chirurgical. Et sous lâarmure, câest bien notre monde quâil transperce.
Cette novella m’a Ă©tĂ© envoyĂ©e gracieusement et sans contrepartie par Le BĂ©lial. Merci Ă eux, car Adrian TchaĂŻkovsky fait partie des auteurs que je suis et que j’apprĂ©cie.
Ce livre est pour vous si :
- vous aimez le fond et la forme associés
- vous souhaitez lire des récits courts mais trÚs percutants
- vous pensez que notre futur est chaotique
Je vous le déconseille si :
- engagez-vous quâils disaient !
- vous ne supportez pas les thématiques guerriÚres
- Vous ĂȘtes anti-militaristes quelque soit le propos du rĂ©cit!
Autres critiques :
Le nocher des livres – Au Pays des cave-trolls – Syndrome Quickson, Dans le Monde de Poche, Le Maki qui pousse la chansonnette – https://actudunoir.wordpress.com/2025/12/05/cuirasses/ – Fantastinet – Boojum – La Yozone –Epaule d’Orion – Weirdaholic,
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Tout pareil : j’ai adorĂ© !
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oui, il est bon, trĂšs bon!
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Faire une rĂ©elle critique sociale pertinente tout en offrant un texte court mais percutant, ce n’est pas donnĂ© Ă tout le monde. Je suis donc intriguĂ©e.
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oui, j’ai Ă©tĂ© assez Ă©tonnĂ©e, car toute la premiĂšre partie Ă©tait un poil convenue.
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Je t’ai lu en diagonales pour me prĂ©server le plaisir de la dĂ©couverte, mais j’ai l’impression que comme dans le Dernier des aĂźnĂ©s, l’auteur s’est amusĂ© avec les concepts classiques de son rĂ©cit pour les pousser dans des directions logiques et pourtant inattendues. Je suis comme attendu trĂšs curieuse de dĂ©couvrir ce nouveau texte !
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j’ai hĂąte de lire ton avis, que nous puissions Ă©changer Ă son sujet. la construction est en deux temps, et je dirais, heureusement qu’il y avait la deuxiĂ©me partie.
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Je suis intriguĂ©e. Il ne me reste plus qu’Ă me pencher sur cette novella !
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je t’y encourage car, elle est assez percutante.
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[…] lectures : Le syndrome Quickson – Lutin (AlbĂ©do) […]
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Je le note pour mes prochains achats UHL !
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[…] CuirassĂ©s de Adrian TchaĂŻkovsky […]
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[…] avis: Syndrome Quickson, AlbĂ©do blog, Le nocher des […]
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Je ne suis pas fan des rĂ©cits « militaires » mais celui-ci passe bien. Probablement que le fond me parle beaucoup plus que la simple guerre et ici on n’est servi !
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Oui, il passe bien, mĂȘme si je suis davantage cliente que toi. Le fond est ce qui le distingue des purs rĂ©cits de SF militaires (que j’aime aussi!)
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[…] choisis de CuirassĂ©s sur la blogosphĂšre : jouissif pour le Lutin, sans temps morts pour le […]
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