đŸ©° Les Fils EnchevĂȘtrĂ©s des Marionnettes – Adam-Troy Castro : la danse comme testament galactique

Le Bélial, UHL

🎭 Les Grands Rats de l’OpĂ©ra

Le patchwork de cette galaxie – cet agrĂ©gat de mondes si divers – rĂ©vĂšle une fascinante mosaĂŻque de vies, de philosophies et de destins, subis ou choisis selon les habitats. Sur Vlhan, caillou isolĂ© des Confins, se dĂ©ploie toute la richesse morphologique et cognitive de l’imaginaire d’Adam-Troy Castro. Les natifs de ce monde, Ă©tranges sphĂšres noires aux multiples appendices, ne semblent pas possĂ©der de langage articulĂ© : aucune frĂ©quence sonore ne l’a jamais prouvĂ©. Peut-ĂȘtre communiquent-ils par tĂ©lĂ©pathie ? L’hypothĂšse sĂ©duit, mais se voit battue en brĂšche : tout indique que leur langage est visuel, incarnĂ© par le mouvement.

Ces crĂ©atures agitent leurs « fouets » avec une force ahurissante et une souplesse aussi gracieuse que redoutable. Ces membres leur servent Ă  se mouvoir, combattre, s’exprimer et mĂȘme
 parler.
Dans La Marche funĂšbre des marionnettes, l’auteur avait dĂ©jĂ  dĂ©voilĂ© leur potentiel lĂ©tal lors de leur art ritualisĂ©, et d’un incident bien fĂącheux. Chaque cycle, ces danseurs s’entretuent dans une chorĂ©graphie d’une beautĂ© macabre que les Pensants de la galaxie tentent encore de dĂ©chiffrer. Depuis la venue d’Isadora, premiĂšre invitĂ©e humaine, le nombre d’“homsaps” – homo sapiens – s’accroit, au grand dĂ©plaisir de l’ambassade sise sur Vlhan..

đŸ©° Pantins et Marionnettes

Des quatre coins de la galaxie, des spectateurs affluent pour assister Ă  ce ballet funeste, d’une magnificence et d’une dramaturgie inĂ©galĂ©es. Chaque reprĂ©sentation est un triomphe galactique : la cĂ©lĂ©bration simultanĂ©e du sublime et du morbide. C’est Ă  Paul Ryoko, journaliste, que revient la tĂąche d’en retranscrire la beautĂ© et la violence, et de communiquer l’Ă©tendue de ses Ă©motions. À travers ses reportages, le public dĂ©couvre peu Ă  peu les rudiments de ce langage dansĂ©.

Si les humains s’avĂšrent mĂ©diocres dans ce dĂ©cryptage, d’autres espĂšces, comme les Riiganns – des reptiles humanoĂŻdes – font des percĂ©es systĂ©matiques. Pourtant, malgrĂ© leurs lacunes, les homsaps perçoivent la charge Ă©motionnelle des danses Vhlanis : un dialogue muet oĂč virevoltes endiablĂ©es et dĂ©licates arabesques remplacent les mots.

Ryoko s’intĂ©resse particuliĂšrement Ă  Shalakan, “digne” hĂ©ritiĂšre d’Isadora, accompagnĂ©e de Dalmo, un danseur aussi passionnĂ© que limitĂ© par son corps. Les humains invitĂ©s au Ballet doivent subir de lourdes transformations physiologiques qui se pratiquent donc en toute illĂ©galitĂ©, et comportent leurs lots d’Ă©checs. GuidĂ© par Ch’tpok – une humaine « Riigaane » qui Ă©paule de duo – il dĂ©couvre une intrigue plus vaste, oĂč se mĂȘlent enjeux politiques, recherches interdites,…

Les Fils enchevĂȘtrĂ©s des Marionnettes dĂ©passent ainsi le cadre d’un simple reportage : ils dĂ©voilent un univers en mutation enrichit d’ambitions machiavĂ©liques. Les humains, rĂ©cemment admis Ă  la table des “ĂȘtres pensants” qui comptent, cherchent Ă  s’affirmer, notamment grĂące Ă  leur situation unique sur Vhlan. En effet, les humains seraient les seuls sensibles au testament civilisationnel des Vhlanis, de quoi chambouler la hiĂ©rarchie de la Galaxie des Pensants.

đŸŽŒ Le Duo de Marionnettes

Ce second texte s’avĂšre plus complexe, plus sensible que La Marche funĂšbre des Marionnettes. Les deux forment un diptyque complĂ©mentaire, miroir l’un de l’autre.
LĂ  oĂč le premier explorait la libertĂ© et le libre arbitre Ă  travers la danse s’esquissant en petits ponts, le second place l’Art au centre du discours, tel le soliste vedette sous le feu des projecteurs.
Adam-Troy Castro l’aborde avec une Ă©motion contenue, presque mystique, et il fallait que Paul Ryoko en devient le messager.

Ainsi, le Ballet n’est -il plus un simple spectacle : il devient pensĂ©e vivante, testament et immortalitĂ© d’une civilisation. À travers cette mĂ©taphore, l’auteur nous rappelle que l’art transcende le temps, les cultures et mĂȘme la mort. Des Mayas aux Égyptiens, des Incas aux civilisations perdues de Sumer, ce sont toujours les Ɠuvres qui survivent, pas les empires.
Ainsi, sur Vlhan, les Vhlanis dansent pour dĂ©fier l’oubli. Les Vhlanis dansent pour dĂ©livrer un message toujours hors de portĂ©e.
Seuls quelques Ă©lus en perçoivent les contours, et un seul en comprendra pleinement l’envergure.

đŸ•Żïž Conclusion

Adam-Troy Castro nous livre un rĂ©cit plus abouti que La Marche FunĂšbre des Marionnettes captivante Ă  bien des Ă©gards. L’ Art y bat au rythme d’une symphonie mĂ©lancolique, poignante avec des accents impĂ©ratifs. Ce diptyque forme une danse Ă  deux voix, chacune rĂ©pondant Ă  l’autre, complĂ©tant ce que l’une avait entamĂ©.

Subtil, Ă©mouvant et d’une belle profondeur, cet ensemble mĂ©rite qu’on s’y attarde , ne serait-ce que pour entendre, dans le silence des Ă©toiles, le claquement des “fouets” des Vhlanis.

e livre est pour vous si :
  • vous aimez danser
  • vous souhaitez lire de la SF sensible, mais de la SF avant tout
  • vous pensez que la certitude est restreinte aux mathĂ©matiques
Je vous le déconseille si :
  • engagez-vous qu’ils disaient !
  • vous ne supportez pas les hĂ©ros tragiques
  • Vous prĂ©fĂ©rez le patinage artistique
Autres critiques :

Le Nocher des livres – L’épaule d’Orion – Les Blablas de Tachan– Les lectures du Maki – Yozone – Quoi de neuf sur ma pile ? – Au Pays des Cave Trolls – Mondes de poche – Le Dragon Galactique – Les Chroniques de FeyGirl – laniakea

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Les Fils EnchevĂȘtrĂ©s des Marionnettes d’Adam-Troy Castro

PlongĂ©e dans l’univers d’Adam-Troy Castro, oĂč la danse devient un langage, un art, et le dernier souffle d’une civilisation.

11 réflexions sur “đŸ©° Les Fils EnchevĂȘtrĂ©s des Marionnettes – Adam-Troy Castro : la danse comme testament galactique

  1. Oh, j’aime la danse et la SF sensible, alors pourquoi pas… Je sais que sa saga Andrea Cort a beaucoup plu Ă  mon collĂšgue libraire. Il y a bien longtemps que je n’ai pas lu d’Une heure lumiĂšre, je crois que mon dernier Ă©tait les 24 vues du Mont Fuji, que j’avais drĂŽlement aimĂ© !

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    • Je t’encourage vivement Ă  replonger dans les UHL. Ils sont courts et permettent de dĂ©couvrir des auteurs, ou de poursuivre la dĂ©couverte de leur oeuvre, et Ă©galement, de savourer de trĂšs bons rĂ©cits avec ce petit supplĂ©ment d’Ăąme.
      Pour ceux-lĂ , il n’est pas nĂ©cessaire d’avoir lu les romans de la trilogie. Ce serait aussi une bonne porte d’entrĂ©e Ă  cette derniĂšre.

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  2. Je n’ai pas encore lu La Marche FunĂšbre des Marionnettes mais si j’accroche, je retiendrai que sa lecture nĂ©cessite dans l’idĂ©al d’ĂȘtre accompagnĂ©e par la lecture du deuxiĂšme volet, qui me semble assez pointu. Ou du moins, exiger une certaine concentration surtout pour moi qui lit peu de SF.

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    • Le premier permet une prise de conatct, le texte est sympa et assez Ă©mouvant. Le deuxiĂ©me m’a vraiment sĂ©duit. Il peut se lire indĂ©pendamment, mais je pense qu’il est plus percutant en les associant. J’ai adorĂ© le second.

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