Le Dernier des Aînés – Adrian Tchaïkovsky

Une Heure-Lumière

Loin d’être le premier roman admiré dans ces pages, Le Dernier des Aînés d’Adrian Tchaïvovsky s’avère le premier que je décortique à la reprise de mon blog. L’auteur est capable de nous offrir des moments de lecture et de réflexion mémorables à travers une plume dynamique et des récits prenants. Cette histoire vient renforcer l’admiration que j’éprouve pour cet écrivain prolifique, créatif et polyvalent.

Lynesse Quatrième Fille, Princesse de Praimesite, occupe le place peut enviable de quatrième roue du carrosse d’une monarchie matriarcale, où son rang de naissance la relègue à joli bibelot qui doit bien se tenir. Or, le tempérament de cette jeune femme n’épouse pas le carcan lié à son statut. Un feu couve en elle, un esprit d’initiative qui la pousse vers l’action, la parole, l’initiative et même une certaine dose de facétie. Aussi, passe-t-elle pour l’éberluée de la fratrie, la jeune Pimprenelle immature, la petite qui donne du fil à retordre, bref, vous comprenez le dessin. Son avenir la classe dans la future tatie excentrique et rigolote, agaçante aussi.

Forcément, lorsqu’un démon terrorise les landes jouxtant le royaume, Lynesse ne peut rester coite et s’oppose à la décision maternelle, appuyée par ses sœurs, de rester en dehors de ces événements. Seule, ses moyens d’action sont inexistants. Cependant, notre jeune protagoniste possède quelques ressources et de la mémoire, car elle goûte les récits et les épopées passées avec délectation. Elle connaît bien la légende de son aïeule qui fit appel à Nyrgoth l’Aîné afin de se débarrasser d’un monstre redoutable, Ulmoth. Elle décide de troquer ses habits royaux, et se lance en direction de La Tour pour quérir l’aide du Grand Magicien.

Posé ainsi, nous pourrions nous attendre à un récit de fantaisie des plus classiques. Il n’en est rien. En effet, derrière le sorcier se cache un anthropologue terrien de deuxième classe, Nyr Illim Tevitch, venue de la lointaine planète Sophos 4. La mission de ce dernier est simple : observer dans la plus grande discrétion une civilisation émergente et surtout ne pas intervenir.

Que fera-t-il lorsque la belle frappera à sa porte ? Son devoir lui impose le silence, sa solitude et sa morale ne le laissent pas indifférent à la situation…

Ainsi, Le Dernier des Aînés nous propose-t-il une aventure palpitante avec deux protagonistes que deux civilisations ainsi qu’un gouffre technologique opposent. L’alternance des points de vue de Lynesse à Nyr renforce l’abîme qui les sépare : une compréhension laborieuse aussi bien dans la façon de s’exprimer que dans des détails comme l’accoutrement, les tournures de phrase, les regards portés si différents. Et, il y la fougue de la Princesse qui tranche et s’écrase sur la réticence à agir de l’anthropologue. Néanmoins, les digues de ce dernier, ultimes vestiges de son devoir de réserve, de non-intervention pourraient bien céder devant autant de détermination.

Cette opposition de culture, de vie, voire d’ADN, Adrian Tchaïkovsky nous l’a déjà offert dans le merveilleux Dans le Toile du temps, et avec brio. Ce n’est pas une surprise de le voir maîtriser la forme et le fond de son récit, et, ainsi nous délivrer une aventure de très belle facture. Cette fois-ci, en changeant de registre, allié à un humour de bon aloi, évitant ainsi toute redondance.

Le rythme est adapté, les personnages palpables, l’univers suffisamment construit pour que nous nous y projetions. Et, je n’oublie pas l’humour qui colore le roman d’une légèreté très appréciable. Et c’est justement, cet humour qui joue avec les différences (pour mieux les souligner comme souvent), et surtout avec les incompréhensions liées au langage qui pousse à en vouloir davantage, à souhaiter que notre aventure se prolonge. Quelques portes thématiques sont à peine soulevées et nous avons juste le temps de jeter un œil dans l’entrebâillement de la porte (ou le trou de la serrure pour les plus malicieux). Quand nous constatons avec quelle habileté Adrian Tchaïkovsy joue avec le thème de le différence technologique vue comme de la magie, nous ne pouvons que vouloir plus. C’est mon seul regret.

Pour conclure, la lecture du Dernier des Aînes d’Adrian Tchaïkovsky est passionnante, le tout maîtrisé, offrant de la réflexion sous couvert d’humour et d’aventure. Un sans faute!

PS : je me demande quels sont les termes en VO de Praimesite (1° site ?) et d’autres lieux comme l’Ordibois. Cela semble assez malicieux. Même Sophos 4 nous offre une pointe d’humour et un clin d’oeil.

La couverture d’Aurélien Police, toujours aussi alléchante, s’inspire de la couverture originale. L’identité visuelle de la collection UHL est affirmée, j’apprécie le lien entre les deux visuels.

Ce livre est pour vous si :
  • Vous adorez les récits d’aventure
  • Vous aimez les situations cocasses
  • vous souhaitez du fond à la forme
je vous le déconseille si :
  • mais il n’y a pas d’élu ou élue ?
  • non, mais dans la SF, il n’y pas de magicien!!
  • le thème vous en avez soupé

Autre critique :

Le Dragon Galactique

j’ai tant de retard que ce serait gentil de me signaler vos chroniques – merci!

Un petit coup de pouce pour votre lutin adoré :

Envie de soutenir le blog ? Vous pouvez le faire en passant par le lien en dessous (pas de frais supplémentaire!). Ceci m’aide à financer l’hébergement du site sans publicité et à organiser des concours avec des romans à offrir.

Le Dernier des Aînés d’Adrian Tchaïkovsky

22 réflexions sur “Le Dernier des Aînés – Adrian Tchaïkovsky

  1. Il doit être dans ma PAL et si j’avais craqué pour la couverture, ton avis laisse entrevoir un récit qui devrait me plaire. J’aime les situations cocasses (on peut même dire que j’adore), l’humour bien utilisé et les situations dans lesquelles deux personnages bien différents l’un de l’autre se rencontrent. Dommage pour les thèmes survolés mais c’est le jeu de ce format.

    Aimé par 1 personne

    • Il ne faut pas se sentir si seul!
      Le thème est convenu, et il a déjà été bien utilisé. En soi, c’est loin d’être novateur. Le procédé en lui-même n’a rien d’original non plus. Je n’estime rien de révolutionnaire dans ce récit. Donc, en soi, la novella est classique et ne renverse pas la table.
      Néanmoins, j’ai adoré le traitement, la manière de l’aborder comme un récit de fantasy, avec cet intrus d’un autre monde, d’un autre temps. Et l’humour.

      Dans la collection UHL il y a d’autres titres, pour lesquels je me sens seule, moi aussi! 😉

      J’aime

Répondre à Lutin82 Annuler la réponse.