Voyage au centre de la Lune
Célestopol est l »histoire d’une ville et accessoirement du Duc Nikolaï. Inversement, Célestopol est l’histoire du Duc et accessoirement de sa ville. Difficile de séparer l’un de l’autre tant l’ADN de la première a imprégné les gênes du second. Célestopol est aussi un voyage dans une fin XIX° début du XX°, dans une ville établie sur la Lune.
Avant d’être un recueil de nouvelles, les textes sont une extrapolation de la vision de Jules Verne, une fois l’obus lancé en direction de notre astre Sélène.
La prouesse est à mettre au crédit des Russes, et non des français ou des anglais, si la dénomination de cette capitale lunaire n’était pas suffisamment parlante. Le fils de l’Impératrice en est le gouverneur, loin de la mère patrie, et de l’influence maternelle. Il dirige ce qui devient peu à peu son propre duché, un peu comme Bruce Wayne avec son entreprise, (avec un touche de Civil War). Fanfaron, coureur de jupon, vie légèrement dissolue, les apparences son fâcheuses et le lecteur en vient à se demander si cela n’est pas que de la poudre aux yeux. La réponse à cette interrogation se dévoilera au fur et à mesure des nouvelles et du temps qui passe.
En effet, Célestopol est au cœur de nombreuses luttes d’influence, et si ces bras de fer ne sont pas franchement exposés, ils transparaissent au détour d’un phrase, d’un événement et des personnages traversant le recueil.
N’étant pas une grande fan de ce format, l’histoire de cette cité et de son Duc en font un des attraits principaux. La personnalité de Nikolaï se nuance grandement au fil des nouvelles qu’il faut absolument lire dans l’ordre proposé pour en découvrir les multiples facettes, et se rendre compte de la relation particulière qui lie mère et fils : un savant mélange d’amour et de mépris.
Ce voyage – à comprendre dans ses nombreuses acceptions – en compagnie plus ou moins lointaine de cet étrange personnage éveille la curiosité du lecteur. Ainsi, cherche-t-on à découvrir de quel bois l’homme est fait, et si la mère envahissante, mordue de contrôle lui laissera les coudées franches – ou s’il parviendra à se libérer. Quelque part, c’est assez jouissif, car le bougre n’est pas un tendron de première année, et loin des clichés du noble qui fera sa mue (telle une Bête). Non, le bonhomme est culotté, déterminé et… sait naviguer en eaux troubles.
L’ambiance participe grandement à donner du caractère à Célestopol – aussi bien à la ville qu’au recueil lui-même. Nous sommes dans le rétro-futurisme; l’allusion à Jules Verne n’est pas accidentelle tant Emmanuel Chastellière nous plonge dès le voyage inaugural dans un de ses romans phares, en plaçant d’entrée le contexte. En effet, tout commence avec ce trajet Terre-Lune en obus, et si vous avez lu De la Terre à la Lune, impossible d’échapper au parallèle. La régate qui s’ensuit ne fait que parfaire cette première impression, vite relayée dans le ton par les autres nouvelles.
C’est la Ville elle-même qui m’a vraiment séduite, avec une ambiance assez typée. Habituellement, j’imagine tout séjour sur la Lune, quelque en soit la durée, baigné d’une lumière blanche, crue et agressive, lié à l’absence de filtre atmosphérique. Célestopol m’apparaît dans une lumière plus ambrée sous sa coupole de verre. La taille de la cité est fort intéressante, et les diverses nouvelles nous font naviguer de prouesse en prodige, avec un zoo, l’université, la cathédrale, St Basile, des jardins, un vignoble, une patinoire,…. En sus, les divers personnages circulent sur des canaux emplis de sélénium et voilà pour parfaire cette Venise à l’âme Russe et un poil cosmopolite.
Ce composé est d’une importance capitale, et l’objet de bien des convoitises : le sélénium fait battre le cœur de Célestopol. Loin des lumières de la ville, des paillettes, et du strass, nous en découvrirons des coulisses pour le moins reluisantes.
Les nouvelles nous exposent cette vie sous la coupole et son pourtour. Dans leur ensemble, je les ai trouvé d’un bon niveau, et certaines qui sortent du lot, d’autres un peu plus faibles. Ainsi, je n’ai pas accroché aux Jardins de la Lune et la Danse des libellules, trop bizarres pour moi. Dans la brume est trop convenue avec une histoire vue et revue de 2 frères en désaccord suite à la mort de leur père. La fin la sauve de l’anonymat.
D’autres sont sympathiques et permettent d’établir l’ambiance, je pense notamment à La Chambre d’ambre qui isolément est agréable mais qui prend une autre dimension avec l’ensemble. Dans un le registre qui peaufine l’ambiance russe et incorpore ses légendes : les nouvelles avec un duo de mercenaire, Wotjek et Arnrun, retiennent l’attention, à noter que même l’ours qui parle ne m’a pas fait faire des bonds!!
La fin d’Oderint Dum Metuant est prévisible, mais j’ai adoré (lue deux fois).
Je souligne : Face cachée, Fly me to the moon et Tempus fugit ainsi que Les lumières de la ville qui m’a particulièrement touchée.
Le rat qui pousse la boîte dans Une note d’espoir m’a laissée de marbre, mais ce n’est lié qu’à mes limites dans le registre fantastique.
Vous aurez saisi que ce recueil m’a plu, les personnages récurrents son attachants et marquants, aussi je vous le conseille pour son ambiance particulière et son Duc ambivalent. Pour ma part je regrette que l’auteur ne nous ai pas proposé un roman dans cet univers….
Merci à au Pays des cave-trolls, et à Emmanuel Chastellière pour cette découverte.
Autres critiques :
Au pays des cave-trolls – Xapur – Boudicca (le bibliocosme) – Aelinel – Le Chroniqueur –
Challenges :
Summer Short Stories of SFFF
Challenge Littérature de l’Imaginaire – 5° édition
Le steampunk n’étant pas vraiment mon genre de prédilection, je vais passer mon tour. Je préfère découvrir la prose de l’ami Emmanuel via son roman de Flintlock à paraître l’année prochaine. Mais merci pour ta critique, comme toujours complète, nuancée et agréable 🙂
J’aimeAimé par 1 personne
Je préfère prévenir au cas où, mais le roman de flintlock ne sera pas du pur flintlock. Parce qu’il faut toujours que je dévie (un peu). ^^
Et merci beaucoup pour la chronique ! 🙂
J’aimeAimé par 2 personnes
Ah mais c’est positif, au contraire. Je suis ravi de l’apprendre, ça lui donnera une approche différente de celle adoptée par les classiques du genre.
J’aimeAimé par 1 personne
Oui, cela peut-être intéressant!
J’aimeAimé par 1 personne
Ma foi, j’espère que ce sera vu comme positif !
C’est comme le steampunk dans le cas de Célestopol, pour moi, c’est un canevas avant tout, mais pas le plus important. 🙂
J’aimeAimé par 1 personne
C’est de bon augure. Et connaissant Apophis, un roman qui propose quelque chose de plus poussé ou qui prend des chemins de traverse par rapport au genre de rattachement ne peut que lui plaire. 🙂
J’aimeJ’aime
Je ne m’engagerai pas sur « plus poussé », « juste » différent. 😉
J’aimeAimé par 1 personne
OK, nous attendons, en nous léchant les babines…. la raison sera établie plus tard… 😉
J’aimeJ’aime
Flintlock, je prends aussi!
J’aimeJ’aime
Je ne pense pas effectivement que cela puisse être nettement dans tes goûts. Le steampunk est bien présent.
Merci à toi! 🙂
J’aimeAimé par 1 personne
[…] avis : Albédo – Au Pays des Cave Trolls – Lorkhan – Reflets de mes […]
J’aimeAimé par 1 personne
Je suis contente que tu ais apprécié ta lecture, tu vois tu peux aimé des nouvelles 😉
Je ne sais pas si j’aurai préféré un roman, je trouve que le fait que les nouvelles soient liées entre elles comme ça donne une vision originale et la ville est vraiment le personnage de cette façon.
Après, je ne serai pas contre un nouveau tout sur la lune c’est certain!
J’aimeAimé par 1 personne
Oui, et cela n’est pas la première fois. Je les lis petit à petit…. 🙂
J’aimeAimé par 1 personne
De partir du point de vue de la ville et d’en faire le personnage principal, c’est bigrement intrigant! Mais le format recueil de nouvelles ne m’attire pas des masses (j’en ai déjà un petit nombre dans ma bibliothèque qui végète).
J’aimeAimé par 1 personne
C’est pas vraiment un recueil de nouvelles comme les autres, là elles sont toutes liées par l’endroit où elles se déroulent, par les personnages parfois et par l’auteur 🙂
J’aimeAimé par 2 personnes
Oui, c’est particulier et plaisant. C’est un recueil qui m’a plu, et un des meilleurs francophones, notamment avec cette approche et cette cohérence d’ensemble.
J’aimeAimé par 1 personne
Hum… En tout cas j’y penserai quand j’aurais enfin lu quelques recueils de nouvelles dans ma bibliothèque. Le principe me plait beaucoup.
J’aimeAimé par 1 personne
Je comprends, il faut abattre cette satané PAL! 🙂
J’aimeJ’aime
Oui, l’aspect focus sur la ville est séduisant, surtout quand elle a une personnalité.
Le format nouvelle n’est pas non plus mon format de prédilection, mais une fois de temps à autre, j’aime bien. En revanche, je me lasse vite, et je ne lis que peu de recueil, environ 4 à 5 par an. AU delà, je frise l’overdose.
J’aimeAimé par 2 personnes
Héhé je comprends… Les nouvelles sont toujours inégales alors c’est un peu frustrant. Et on ne peut pas autant développer une idée que dans un format long.
J’aimeAimé par 1 personne
Le format long a cet avantage de pouvoir développer plus longuement. Mais ce n’est pas pour autant un gage de qualité. Je lis un roman en ce moment qui est poussif…. Je m’y emm**de un peu quand même!!! 🙂
J’aimeJ’aime
Cela dit, certaines idées se prêtent plus au format nouvelle justement !
Enfin, à mon humble avis. 🙂
J’aimeAimé par 1 personne
Un joli recueil qui forme un joli tableau. Comme toujours, il y a des choses qui accrochent plus le lecteur que d’autres, mais la vue d’ensemble de la ville reste une belle réussite.
Content de voir que tu as aimé. 😉
J’aimeAimé par 1 personne
Tu as un résumé parfaitement exact! la ville est une réussite, et j’ai bien aimé.
J’aimeJ’aime
Voilà qui éveille ma curiosité.
Dans mon esprit, ce livre m’évoquait la fantasy, va savoir pourquoi, les luttes d’influances peut-être. Mais je trouve l’idée de départ assez intéressante. Et au moins le calvaire de lire De la terre à la lune aura eu une raison d’être. En outre, tu as tout à fait raison de souligner le côté « baigné d’une lumière blanche, crue et agressive, lié à l’absence de filtre atmosphérique. Célestopol m’apparaît dans une lumière plus ambrée », cela change.
La lune revient à la mode dans la SF : Luna, Celestopol et un autre dont j’ai oublié le titre.
J’aimeAimé par 1 personne
Oh, mais cela n’est pas franchement SF non plus. Il assez difficile d’y coller une étiquette. Avec des nouvelles d’esprit fantastique qui ont beaucoup plus aux fans de Lovecraft, d’autres qui s’apparentent au registre de la fantasy, surtout dans les dynamique et enfin quelques une qui sont de la SF dans la lignée du XIX°.
La luminosité change énormément notre perception.
J’espère avoir compléter pour ta réflexion. 🙂
J’aimeJ’aime
J’aime bien cette histoire de luminosité. 😉
J’aimeAimé par 1 personne
Elle est importante la luminosité perçue. 🙂
J’aimeJ’aime
Contente de voir que nous avons eu le même ressenti 🙂
J’aimeAimé par 1 personne
Et pour ma part, guère surprise!!! 😉
J’aimeAimé par 1 personne
Bravo pour cette chronique sympa! Et en prime, l’auteur qui vient directement déposer des commentaires, c’est la classe!
J’aimeAimé par 1 personne
Oui, c’est vraiment cool! ET j’adore avoir ces échanges, cela rend encore plus agréable cet article. 🙂
J’aimeAimé par 1 personne
Tu m’étonnes! 😉
J’aimeAimé par 1 personne
Ca me tente ! Et en même temps, comme d’hab, le format recueil de nouvelles me fait hésiter. Mais ça a l’air pertinent dans ce cas-là, alors ça peut valoir le coup 🙂 J’avais déjà eu une bonne surprise avec Dilvish grâce à toi, donc je note celui-ci et je te donnerai des nouvelles 😀
J’aimeAimé par 1 personne
OK! C’est chouette.
J’ai hésité avec le format nouvelles également et un troll d’un pays bien particulier m’a convaincue.
J’aimeAimé par 1 personne
Ton avis attise un peu plus ma curiosité, même si l’aspect steampunk ne m’emballe pas plus que ça, malgré le fait que ce soit pas totalement cloisonné dans ce genre. J’aime le format cependant, je le récupérerais peut-être, en numérique.
J’aimeAimé par 1 personne
Il sera en numérique. Je pense qu’il a matière à ta plaire avec de la diversité dans les nouvelles. 🙂
J’aimeJ’aime
Ah, j’espère qu’il sera disponible un jour en numérique, c’est sûr. 🙂 Mais ce n’est pas le cas pour l’instant. 😦
J’aimeAimé par 1 personne
Ooooooooh! Dommage!
J’aimeJ’aime
Eh oui. 😦
Après, je reste un grand fan du format papier, mais c’est sûr que pour la diffusion… 🙂
J’aimeAimé par 1 personne
A reblogué ceci sur Albinos.
J’aimeJ’aime
Je me permets une petite info au passage. 🙂
http://www.emmanuel-chastelliere.com/blog/2017/9/17/a-venir-une-nouvelle-de-clestopol-en-version-audio-
J’aimeAimé par 1 personne
Merci de l’info. Très bonne news. J’ai hâte! 🙂
J’aimeJ’aime
Déjà le titre me parle ! Et ta chronique encore plus ! Cette luminosité ambrée, assez « steampunkienne » pour le coup, n’est pas non plus pour me déplaire !!!
Merci pour cette chouette trouvaille 🙂
J’aimeAimé par 1 personne
Je t’en prie. Il se lit avec plaisir. Et l’ambiance + la ville forment une très jolie atmosphère. 🙂
J’aimeJ’aime
Merci de la part de l’auteur alors !
J’avais raté ce message. 🙂
J’aimeAimé par 1 personne
Avec grand plaisir 🙂
J’aimeAimé par 1 personne
[…] Célestopol […]
J’aimeJ’aime
[…] Célestopol de Emmanuel Chastellière […]
J’aimeJ’aime
[…] Célestopol d(Emmanuel Chastellière […]
J’aimeJ’aime
[…] Célestopol d’Emanuel Chastellière n’était pas du tout à mon programme, surtout qu’il s’agissait d’un recueil de nouvelles. Un Troll m’a convaincue de le tenter, et j’ai passé un bon moment de lecture. […]
J’aimeJ’aime
[…] de nouvelles par trimestre : Dilvish le Damné de Zelazny – Au comptoir du cosmos – Célestopol – […]
J’aimeJ’aime
[…] propose ce mois-ci la nouvelle Oderint dum metuant, tirée du recueil de nouvelles Célestopol d’Emmanuel […]
J’aimeJ’aime
[…] Autres avis : Albédo, Xapur […]
J’aimeAimé par 1 personne
[…] avis: Aelinel, Boudicca, Xapur, Lutin 82, Lorhkan, Blackwolf, Lhisbei, Marie-Juliet, […]
J’aimeJ’aime
[…] critiques : Aelinel (La bibliothèque d’Aelinel) ; Lutin82 (Albédo – Univers imaginaires) ; Blackwolf (Blog O livre) ; Célindanaé (Au pays des cave trolls) ; Lhisbei (RSF Blog) ; Lorhkan […]
J’aimeAimé par 1 personne
[…] </strong></em>de Stéphanne Desienne<strong »>2017 : Célestopol d’Emmanuel […]
J’aimeJ’aime
[…] : Celestopol d’Emmanuel Chastellière, auteur de L’Empire du Léopard (Edition Critics) recueil de nouvelles reconnu de qualité par ceux ayant eu la chance de lire le GF avant l’arrêt de la publication. Mais pour notre […]
J’aimeJ’aime
[…] pouvez également consulter les chroniques de Célindanaé, Blackwolf, Lutin, Xapur, Lorkhan, Boudicca, Le Chien critique, Tachan, La Geekosophe, Pativore, Mariejuliet, […]
J’aimeJ’aime
[…] Albédo / Lutin 82 […]
J’aimeJ’aime
[…] ce recueil, je vous recommande la lecture des critiques suivantes : celle de Gromovar, celle de Lutin sur Albédo, de Célinedanaë, de Xapur, de Just a Word, de Ombre Bones, du Nocher des livres, du […]
J’aimeJ’aime
[…] Célestopol 1922 est le quatrième titre d‘Emmanuel Chastellière auquel je me frotte. Les trois premiers furent des coups de cœur ( L’Empire du Léopard, La Piste des Cendres et Célestopol), les plaçant dans mes modestes Albédo Awards régulièrement. Inutile d’insister sur le fait que mes attentes étaient plutôt élevées, même très élevées car j’avais été particulièrement séduite par l’univers steampunk présenté dans Célestopol. […]
J’aimeJ’aime